LE PAYS DE LIÈGE ET LA FRANCE - La Révolution liégeoise de 1789 : son échec provisoire.

Publié le par sorinabarjov

   Attention à la version polonaise et à la russe qui circulent à mon insu sur mon blog et donc sur tout le WEB. Ne citez que la version française de ces textes qui me sont personnels. Ces versions en langues slaves contiennent des erreurs dues à la traduction "automatique", donc approximative.

 


Le 27 juillet 1790 eut lieu la convention de Reichenbach, suite à une entente entre la Prusse et le Saint-Empire1 au sujet des Pays-Bas autrichiens et du Pays de Liège (abandon de la politique de Hertzberg et de la Ligue germanique ; abandon des révolutions brabançonne et liégeoise par la Prusse).

Joseph II, mort en février 1790, allait être remplacé par son frère Léopold II (vers le 10 août 1790 s'était ouverte à Francfort la Diète qui allait le désigner à l'Empire).

Début septembre, commença une négociation spéciale entre l'Électeur de Mayence et le roi de Prusse pour régler la Question liégeoise.

Un compromis, proposé aux Liégeois par la Chambre impériale, par les Électeurs à qui ils devaient la sentence et par le roi de Prusse, fut rejeté par Fabry, Donceel et Lesoinne, sans qu'on en saisisse le Conseil de la cité ou les États. Ce compromis, qui arriva à Liège au moment où l'on procédait à l'élection du Régent et à la promulgation des changements constitutionnels, n'avait d'ailleurs aucune chance d'être agréé par Hoensbroeck et ses Conseillers (on peut en juger par leur correspondance).

Une ambassade liégeoise partit le 21 septembre, conféra à partir du 22 à Aix-la-Chapelle (Aachen) avec de Dohm et arriva à Francfort (à la Diète) le 25 septembre 1790 : le comte de Geloes représentant l'État primaire, le comte de Berlaymont de la Chapelle pour la Noblesse, Chestret et Bassenge pour le Tiers, et Lesoinne pour le Conseil de la cité.

Alors que le Chapitre de Saint-Lambert ne dictait rien de précis à son délégué, que la Noblesse déclarait s'en tenir aux textes des 12 octobre 1789 et du 16 mai 1790, le Tiers remettait à ses députés mandat impératif : demander un armistice, refuser le retour du Prince, faire reconnaître le Pays de Liège comme une nation libre dans la Confédération germanique, afin de former ses propres lois, établir ses impôts, régler son gouvernement intérieur et obtenir la soustraction d'obédience à la Chambre impériale ou au Conseil aulique (privilège de non appellando seu evocando). De plus le Conseil de la cité voulait faire supporter par le Prince et le Clergé seuls les frais de l'exécution, abolir l'autorité du Chapitre de Saint-Lambert, confirmer le Régent, maintenir les régiments levés, reconnaître le droit des armes de la Cité, etc... Ce qui fait que les Liégeois à Francfort furent traités d'insolents par le plénipotentiaire prussien Von Sacken. Une décision du 12 septembre de la Conférence des Électeurs déclarait : les Liégeois devaient faire leur soumission par lettres écrites aux six Cours électorales, à la Chambre impériale, à leur Prince ; l'exécution serait suspendue et les régiments déposeraient les armes ; une amnistie illimitée serait décrétée et tout serait remis dans l'état antérieur au 18 août 1789. Les Commissaires électoraux devaient aussi rechercher si une autre forme provisoire ne vaudrait pas mieux pour administrer la Principauté. Le Prince rentrerait à Liège, un détachement de 1200 hommes du Cercle de Westphalie y maintiendrait l'ordre aux frais du Pays. Assurance était donnée au roi de Prusse de redresser les griefs des Liégeois, ce roi s'engageant à obtenir l'accord de ceux-ci sur tout ce compromis.

Le 3 octobre les envoyés liégeois étaient de retour. Les soixante sections avaient été  convoquées pour décider du sort à donner aux propositions des Électeurs d'Empire : elles furent rejetées à la quasi-unanimité des Sections et Chestret attribua cet échec à la Municipalité et à l'influence de la Société des Amis de la Liberté établie à Liège vers cette époque.

Les termes excessifs dont on usa dans les  recès prouvent que les extrémistes  l'emportèrent, mais l'esprit du protocole de la Conférence électorale du 12 septembre était trop contraire à la situation du moment (4 octobre).

Le Conseil des notables fut du même avis que les Sections, de même que les compagnies armées de la Cité, spécialement réunies pour la circonstance.

Le rôle du futur girondin Lebrun, rédacteur du Journal général de l'Europe, citoyen  liégeois et président de la Société des Amis de la Liberté, fut déterminant en faveur de cette décision défavorable vis-а-vis de la résolution signifiée aux envoyés liégeois à la Diète de Francfort.

Apeuré par le texte de la réponse que les Liégeois voulaient faire parvenir à Francfort, de Dohm (le 10 octobre) prit l'initiative de présenter au Régent, aux deux Bourgmestres et à quelques repré­sentants des États, un texte habilement rédigé renfermant quelques assurances de la part du roi de Prusse pour l'obtention d'élections libres, de redressements de griefs, de maintien de la magistrature actuelle après une restauration pour vingt-quatre heures seulement de l'ancienne, de liberté laissée au Prince de rentrer ou non, et d'atténuation du style des lettres de soumission exigées par la Conférence des Électeurs d'Empire.

Ce projet de Dohm fut rejeté le 11 octobre par le Conseil municipal. Le 12 les États exprimèrent leur désir de consulter leurs députés à Francfort. Le 13, après avoir échoué dans sa tentative de conci­liation, de Dohm quitta Liège.

Il faut signaler le rôle des journées des 11 et 12 octobre : le peuple envahit l'Hôtel des États, et à deux reprises voulut contraindre le Régent à aller habiter le Palais épiscopal ; la foule l'y mena même de force le 12 octobre "pour bien marquer sa volonté de s'opposer au retour de Hoensbroeck".

À Francfort les envoyés liégeois convinrent d'un nouveau projet de transaction, bientôt repoussé par les ministres des autres Cours princières (11-14 octobre 1790). Le 15 octobre les Liégeois furent contraints d'accepter les propositions de la Conférence électorale "sous réserve de la ratification de leurs mandants auxquels un délai était donné jusqu'au 1er novembre".

Au retour des envoyés liégeois eut lieu une altercation vive entre Fabry et Chestret.

Les 27 et 28 octobre 1790 un nouveau projet de transaction fut voté par le Conseil de la cité, les Sections et les États. Soumis à  de Dohm, il fut "corrigé" et présenté de nouveau aux Sections, qui l'adoptèrent le 31 octobre et l'adressèrent à Francfort : la Prusse s'engageait à obtenir une amnistie complète, la liberté des élections liégeoises et le redressement des griefs. C'était en somme de projet de Dohm du 10 octobre, mais il arriva trop tard à Francfort, la Conférence s'étant dissoute le 1ernovembre ; de toutes manières elle n'aurait pas accepté ces propositions sans se déjuger.

En vain Chestret, Bassenge et Hyacinthe Fabry allèrent à Berlin implorer le roi de Prusse et Hertzberg pour qu'ils interviennent une dernière fois en leur faveur. On leur accorda verbalement la libre élection de leurs magistrats. D'accord avec la cour de Hanovre, Hertzberg écrivit au roi de Prusse pour proposer une nouvelle conférence à Ratisbonne, mais l'électeur de Mayence fit échouer ce projet.

Discutant avec les ministres prussiens, Waseige, conseiller du Prince, n'admettait que des engagements vagues, susceptibles d'interprétations variées et s'étonnait de la sympathie que la cause des Liégeois semblait avoir inspirée dans certaines ambassades des princes d'Empire.

À Aix-la-Chapelle (Aachen), le Chapitre de Saint-Lambert était divisé : Ghisels tenait bon, mais le Grand prévôt aspirait à la pacification ; certains chanoines étaient même prêts à accorder à Rohan une coadjutorerie ; certains souhaitaient même une médiation finale du roi de Prusse.

Le 3 décembre 1790 l'armée autrichienne était à Bruxelles, ce qui signifiait la défaite de la "révolution" brabançonne. Le 10 décembre le traité de La Haye accorda Anglais, Hollandais et Prussiens autour du projet de l'empereur Léopold II de reprendre bien en mains les Pays-Bas  vaincus : dès lors le sort du Pays de Liège paraissait réglé, vu sa situation géographique.

Le 9 décembre l'armée des Munstériens et des Mayençais (environ 3000 hommes), par Sittard et le Juliers, poussant un détachement jusqu'à Visé, prit possession d'une île de la Meuse et s'aventura même sur la rive gauche du fleuve.

La situation de l'armée liégeoise était désespérée : elle avait évacué Bilsen, Tongres, Visé et Hasselt, car il fallait couvrir la capitale qui était en pleine effervescence.

En novembre on venait de lever une garde nationale qui devait mobiliser, croyait-on, 18000 hommes.

Cinquante hommes chassèrent l'ennemi, qui tenait le pont de Visé. L'île de la Meuse occupée le 9 décembre fut abandonnée par l'ennemi, de même que la ville de Visé.

À Liège la Société des Amis de la Liberté et de l'Égalité, sous la présidence de Lebrun, discutaient d'une nouvelle Constitution avec une organisation des pouvoirs à la française.

Le Journal général de l'Europe de Lebrun prôna le rattachement de la Principauté à la France pour éviter la restauration de l'Ancien régime par les armes de l'Autriche.

Le 16 décembre le Congrès franchimontois émettait un vœu de réunion à la France.

La position du Régent était délicate : alors que le Tiers l'invitait à prendre en considération sa sécurité et le remerciait de son dévouement (3 décembre), le Conseil de la cité lui signifiait de rester à son poste.

Les Impériaux occupaient le pays de Herve (duché de Limbourg [pas le Limburg flamand actuel]). Les Liégeois parlementèrent avec le maréchal Bender, qui accepta de suspendre la marche de ses troupes vers Liège, réclamant seulement un acte de soumission à l'Empereur que, le 23 décembre, les États et le Conseil de la cité parurent disposés à accorder. D'autre part, ils étaient entrés en contact avec Mercy-Argenteau (à La Haye) et Metternich (à Coblence), qui exigèrent une soumission de forme avant tout examen de leurs griefs. Le 30 décembre une députation liégeoise alla à Vienne, ne fut pas reçue, mais cela retarda la marche des troupes de Bender. Les États multipliaient les démarches : à Wetzlar, à Berlin, auprès de Hoensbroeck lui-même.

Un major de l'armée autrichienne résida même à Liège du 23 décembre 1790 au 8 janvier 1791 pour garder le contact avec les dirigeants liégeois.

Donceel fit même rejeter le 5 janvier 1791 les propositions de Metternich.

Le 7 janvier le peuple de Liège fit encore échouer une dernière négociation.

Enfin le 9 janvier la soumission était votée et une députation partit pour Bruxelles où Mercy-Argenteau lui révéla que des ordres directs de Vienne prescrivaient l'occupation militaire du Pays de Liège.

Le Conseil de la cité, qui siégeait en permanence, reçut le 11 janvier l'officier autrichien qui vint lui régler les détails d'une occupation pacifique. Le Régent et les principaux chefs révolutionn­aires quittèrent Liège avec quelques centaines d'hommes du Régiment municipal et de celui des Chasseurs : ils allèrent en France par le Condroz. Quelques heures plus tard les Autrichiens entraient à Liège.

 

 

 

1 HARSIN, La Révolution liégeoise..., pp. 121-138.


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