LECTURE ORIGINALE DE M.TESTE DE PAUL VALERY

Publié le par sorinabarjov

 

Les idées s'améliorent. Le sens des mots y participe. Le plagiat est nécessaire. Le progrès l'implique. Il serre de près la phrase d'un auteur, se sert de ses expressions, efface une idée fausse, la remplace par l'idée juste. Une maxime, pour être bien faite, demande à être développée. (LAUTRÉAMONT, Poésies II)

On n'a guère encore remarqué comment
Poésies II atteint cette ironique vérité par l'emploi systématique de l'asyndète : en supprimant les conjonctions dans les textes qu'il recopie, Lautréamont manifeste puissamment son exigence philosophique de totalité, opposée au morcellement de la psychologie. (BESNIER)

 


LA LIONNE ET SES DOUBLES

 

"UNE ÉCRITURE DE LA DIFFÉRENCE DANS LA RÉPÉTITION"

 

ou

 

"COMMENT SOUMETTRE UNE LIONNE APRÈS LUI AVOIR RÉSISTÉ"


                     

« Quand on écrit, on rêve », disait Derrida

dans  La Grammatologie.



 

Pendant le cours de dé-castration mentale, folle d'excitation sexuelle au son de la voix du dompteur polonais debout devant nous et que j'imaginais complètement nu, je me suis levée sur mes grandes pattes de derrière et j'ai rugi de plaisir pour séduire cet animal bizarre qui ne cherchait qu'а nous faire avouer.

Pambach, ce café personnifié de la ville de Bacàu, me poussa à inviter à ma table cette bête exotique que je voyais de jour en jour devenir de plus en plus polonaise malgré tous mes efforts irrespectueux exhibés sans pudeur pendant notre dressage.

Edmond Teste ne parlait que de Beauvoir expliquant à la suite de Frazer la religiosité féminine par la vision du sexe mâle entrant en érection sous l'influence des ondes émises par les yeux de Sisi Coquelicot. La proximité de cet être si différent des Moldaves me poussa à exhaler, du fond de mon être le plus profond et le plus charnel, des effluves intimes si chaudes, si sécurisantes, si chaleureuses, si féminines, si maternelles, que je me sentais de plus en plus forte, ce qui me procurait un plaisir intense et indescriptible.

Ce mâle exotique qui osait me résister, j'étais en train de l'attirer dans la douce chaleur de ma cage moldave. De plus en plus sûre de moi, je me sentais poussée par une terrible force intérieure à laquelle je ne pouvais qu'obéir servilement : ma petite tête féminine aux charmes comme magiques s'inclina vers le visage angélique que j'avais maintenant presque contre le mien. Nous étions les yeux dans les yeux.

Honteuse de mon comportement si audacieux, mes paupières félines se baissèrent et ma tête s'inclina vers celle de mon vis-а-vis au point de lui toucher le front, comme en signe de soumission totale, victime consentante que j'étais devenue face à sa force de séduction.

Inévitablement cet homme dur allait tomber à mes pieds, pensai-je. Cette intelligence masculine révoltée allait fondre comme neige au soleil. Cette tête indomptable allait se poser sur mes cuisses oblongues et dominatrices comme sur un billot destiné à recevoir les têtes des méchants à décapiter, ceux qui osent me résister. J'allais pouvoir soumettre et diriger comme un pantin mon propre dompteur. Quel bonheur ! Quelle jouissance !

Mais, comme s'il sentait le danger qu'il courait à tomber dans mes filets de redoutable dragueuse, il se mit à parler de Brîndoucha-la-Condique et de Nina la Tasse Folle de Slànic Moldova, ce qui eut le don de me refroidir : il s'en aperçut au contact des ondes froides que mon corps s'était mis à émettre et s'empressa de s'échapper du piège que je lui avais tendu.

La veille du jour des Chants de Noël, je changeai de tactique pour arriver à mes fins : je me fis accompagner par Sisi-les-Ondes, magnétiseuse patentée, hypnotiseuse infaillible de dompteurs polonais récalcitrants. Mais, encore une fois, Edmond Teste se déroba, se moquant de nous deux, nous traitant d'animaux salbatiques... Notre vengeance fut terrible, nous fîmes grève : aucune bête féroce ne fréquenta plus guère la salle de torture aménagée exprès pour nous faire rugir en polonais...

Quand Swann tomba amoureux de Sonia et qu'on en fit un film, Teste nous le projeta. Encore une fois Pambach vint à mon secours : avec Mimi-Peau-de-Vache j'y avalai quelques bières pour être plus sûre de moi. Cuites à point, mûres comme de beaux fruits juteux, nous arrivâmes, Mimi et moi, toutes deux en retard à la projection du film, au moment où Charles faisait subir l'intromission anale à une prostituée tout en la questionnant sur l'intimité de Sonia. Cette scène du film incita la Tasse Folle à rire bêtement comme une chèvre bulgare. L'alcool détruisait les barrières psychiques qui m'empêchaient d'aller de nouveau vers mon dompteur : je lui dis hardiment que j'avais à lui parler. Il me rejeta, comme d'habitude. Je sortis de la salle de dressage en poussant un rugissement terrible : « Vous ne savez pas ce que vous perdez en refusant l'étreinte avec une bête féroce ».

Décidément tu n'as rien compris. Gros Kolonel t'a bien manipulée en te flattant : il m'a d'ailleurs dit comment il vous a roulées toutes pour vous soumettre, et il y est arrivé tant vous êtes stupides. Du reste vous n'êtes pas dignes de liberté ! Vite, les Bêtes Féroces en cage ! C'est bien fait pour vous ! Vous êtes d'ailleurs nulles à tout point de vue !

Vous avez donc été manipulées par Gros Kolonel, par "la Vieille Chouette" (comme dit Sœur Monika), et les autres pénibles arrivistes de cette débile "Faculté". Mais c'est évidemment VOUS, pauvres naïves, qui allez payer les dégâts au moment de l'inévitable répression ! Pauvres c... ! Vous ne méritez vraiment pas d'être aidées !

1968 : Comment se débarrasser d'études qui ne mènent à rien en se faisant passer machiavéliquement pour le "cerveau" de la Contestation à l'aide d'une lettre véritable contenant une fausse dénonciation signée du nom inventé d'un mouvement d'extrême-droite imaginaire mais dont l'existence était plausible, après avoir manipulé sur sa jalousie une petite idiote qui croyait se faire épouser et que ladite lettre dénonce comme connaissant le "cerveau" des anarchistes (elle ne risquait rien, son père étant officier supérieur de police, et tout le monde sachant fort bien qu'elle était tous les soirs loin de Liège "au moment des faits"). Tu ne peux que me féliciter à ce sujet. Quarante ans après, les rhinocéros belgicains ne s'en sont pas encore remis. Ce n'est pas impunément qu'on m'a volé mes études de Droit et que les mêmes salauds cherchent à me spolier de mon héritage.

1998 : Comment se débarrasser de petites naïves roumaines qui cherchent à me compromettre pour se faire épouser et ainsi gagner le Rai (Paradis) belgicain pour pouvoir se faire entretenir comme des putains. J'ai gagné une fois de plus, Ai pierdut tot si s-ai pierdut de tot, comme toujours...

Sois philosophe, chère Dora Féroce, lis Derrida et ainsi fais ton deuil de tes projets conjugaux en te remémorant les paroles fascinantes de la chanson de Nina la Tasse Folle de Slànic Moldova : « Je serai là, Sorina ma Belle, le jour où tu te marieras, etc. ».

Boujour à Ashca, à Mimi et à Simona le Coquelicot... mais pas à la Tasse Folle de Slànic Moldova, « qui depuis répè-è-è-te cela : "Je serai là, Je serai là [le jour où tu te marieras...]" .

Je le revois debout avec Dora ; ensemble. Il ne regardait que la cage aux bêtes Féroces. Une immense tigresse mordorée, de type slave du sud, aux yeux chinois de couleur chocolat et aux rugissements terribles, nous séparait d'un groupe murmurant au-delà de l'éblouissement. Beaucoup de frimousses coquines survivaient sur le monde sombre et clair, écumant jusqu'aux feux du haut. Mon collimateur épelait mille petites gueules de lionnes, tombait sur un regard triste de féroce jalouse, courait sur des pattes sensuelles, sur la faune de cette jungle, et enfin se brûlait. Chaque marionnette était à sa place. Je goûtais le système de classification imaginé par Pani Dojna Kmęczniczka et mis en pratique par Gros-Laid Kolonel — qui complotait au profit de la Vieille Chouette.

La musique disparut. Edmond Teste murmurait : "Ces femelles salbatiques ne sont belles que pour les autres... Elles sont mangées par le regard néantisant de ces sales voyeurs, comme disait Sartre" — car « Il fallait y toucher (avec les yeux) sans y toucher », comme écrit Derrida dans « Le Toucher - Jean-Luc Nancy... »

La bouche charnue de Teste, ce héros cérébral, conclut : "La discipline n'est pas mauvaise, contrairement ce que dit Raluca Le Pot, Féministe de Choc du Syndicat de Bacàu. Pas mauvaise du tout... Ce n'est qu'un petit commencement. Vite ! Vite ! Toutes dans la cage ! C'est la place des bêtes Féroces, comme disait Aristote, suivi par Thomas d'Aquin, Gabriel Marcel et Jacques Maritain. Amen !

Je ne savais répondre... Edmond Teste dit de sa voix basse et vite : "Qu'elles jouissent vite et obéissent encore plus vite !... Mettre des idées dans la tête vide d'une telle bête féroce, c'est mettre une arme dans les mains d'une fetiță. (Taine).


« Si, sî- sî- sî – sî- ... vous êtes mon amî-î- î -î ... Venez-ez-ez-ez ! » [paroles bibliques de sainte Nina prononcées derrière le terrain du F.C.M. Bacàu en avril 1999 en présence de son nouvel amant],

Je vous rends grâces de votre envoi et de la lettre que vous avez écrite à Monsieur Edmond Teste. Je crois bien que les fasole et les sarmale n'ont pas déplu ; je suis sûre que la tsouica a fait plaisir. Quant à la lettre, je mentirais si je vous en disais la moindre chose. Je l'ai lue à mon mari, et je ne l'ai guère comprise. Cependant je vous avoue que j'y ai pris une certaine délectation. Les choses abstraites ou trop élevées pour moi ne m'ennuient pas à entendre ; j'y trouve un enchantement presque musical. Il y a une belle partie de l'âme qui peut jouir sans comprendre, et qui est grande chez moi.

J'ai donc fait lecture de votre lettre à Monsieur Teste. Il l'a écouté lire sans montrer ce qu'il en pensait, ni qu'il y pensât. Vous savez qu'il ne lit presque rien de ses yeux, dont il fait un usage étrange, et comme intérieur. Je me trompe, je veux dire : un usage particulier. Mais ce n'est pas cela du tout. Je ne sais comment m'exprimer ; mettons à la fois intérieur, particulier ... et universel. Ils sont fort beaux, ses yeux ; je les aime d'être un peu plus grands que tout ce qu'il y a de visible. On ne sait jamais s'il leur échappe quoi que ce soit, ou bien, si, au contraire, le monde entier ne leur est pas un simple détail de tout ce qu'ils voient, une mouche volante qui vous peut obséder, mais qui n'existe pas.

Cher Monsieur et Mon Ami (Sî-î-î-î ... Venez-ez-ez-ez...), depuis que je suis mariée avec votre ami, jamais je n'ai pu m'assurer de ses regards. L'objet même qu'ils fixent est peut- être l'objet même que son esprit veut réduire à néant. Notre vie est toujours celle que vous connaissez : la mienne, nulle et utile ; la sienne, toute en habitudes et en absence. Ce n'est pas qu'il ne se réveille, et ne reparaisse, quand il veut, terriblement vivant. Je l'aime bien ainsi. Il est grand et redoutable tout à coup. La machine de ses actes monotones éclate ; son visage étincelle ; il dit des choses que bien souvent je n'entends qu'à demi, mais qui ne s'effacent plus de ma mémoire. Mais je ne veux rien vous cacher, ou presque rien: il lui arrive d'être très dur. Je ne pense pas que personne puisse l'être comme lui. Il vous brise l'esprit d'un mot, et je me vois comme un vase manqué que le potier jette aux débris. Il est dur comme un ange, Monsieur et ami très cher (Sî, Sî, Sî-... Venez-ez-ez...). Il ne se rend pas compte de sa force : il a des paroles inattendues qui sont trop vraies, qui vous anéantissent les gens, les réveillent en pleine sottise, face à eux-mêmes, tout attrapés d'être ce qu'ils sont, et de vivre si naturellement de niaiseries. Nous vivons bien à l'aise, chacun dans son absurdité, comme poissons dans l'eau, et nous ne percevons jamais que par un accident tout ce que contient de stupidités l'existence d'une personne raisonnable. Nous ne pensons jamais que ce que nous pensons nous cache ce que nous sommes. J'espère, Monsieur mon ami, que nous valons mieux que toutes nos pensées, et que notre plus grand mérite devant Dieu sera d'avoir essayé de nous arrêter sur quelque chose de plus solide que les babillages, même admirables, de notre esprit avec soi-même.

D'ailleurs M. Edmond Teste n'a pas besoin de parler pour rendre à l'humilité et à une simplicité presque animale les animaux salbatiques et féroces qui l'entourent et l'attaquent, surtout à Bacàu.

L'existence d'Edmond Teste semble infirmer toutes les autres, et même ses manies font réfléchir.

Mais n'imaginez pas qu'il soit toujours difficile ni accablant. Si vous saviez, Monsieur (Sî, Sî... Venez-ez-ez-ez...) comme il peut être tout autre !... Certes, il est dur, parfois ; mais en d'autres heures, c'est d'une exquise et surprenante douceur qu'il se pare, qui semble descendre des cieux. C'est un présent mystérieux et irrésistible que son sourire, et sa rare tendresse est une rose d'hiver. Toutefois, il est impossible de prévoir ni sa facilité ni ses violences. C'est une chose vaine d'en attendre la rigueur ou la faveur ; il déjoue par sa profonde distraction et par l'ordre impénétrable de ses pensées tous les calculs ordinaires que font les femmes féroces pour manipuler les mâles en les empêtrant dans leur sensibilité intelligente. Mes prévenances, mes complaisances, mes étourderies, mes petits manquements, je ne sais jamais ce qu'ils tireront de Monsieur Teste. Mais je vous avoue que rien ne m'attache plus à lui que cette incertitude de son humeur. Après tout, je suis bien heureuse de ne point trop le comprendre, de ne point deviner chaque jour, chaque nuit, chaque moment prochain de mon passage sur la terre. Mon âme a plus soif d'être étonnée que de toute autre chose. L'attente, le risque, un peu de doute, l'exaltent et la vivifient bien plus que ne le fait la possession du certain. Je crois que cela n'est pas bien ; mais je suis ainsi, malgré les reproches que je m'en fais. Je me suis confessée plus d'une fois d'avoir pensé que je préférais croire en Dieu que de le voir dans toute sa gloire, et j'ai été blâmée. Mon confesseur, le père jésuite Édouard de la Fougeraie, m'a dit en polonais que c'était une bêtise salbatique plutôt qu'un péché féminin liégeois.

Pardonnez-moi de vous écrire sur mon pauvre être quand vous ne souhaitez que d'apprendre quelques nouvelles de celui qui vous intéresse si vivement. Mais je suis un peu plus que le témoin de sa vie ; j'en suis une pièce et comme un organe, quoique non essentiel. Mari et femme que nous sommes, nos actions sont composées par le mariage, et nos nécessités temporelles assez bien ajustées, en dépit de la différence immense et indéfinissable de nos esprits. Je suis donc obligée de vous parler incidemment de celle qui vous parle de lui. Peut-être que vous concevez assez mal quelle est ma condition auprès de M. Teste, et comment je m'arrange de passer mes jours dans l'intimité d'un homme si original, de m'en trouver si proche et si éloignée ?

Les dames de mon âge, mes amies véritables (Mimi-Peau-de-Chien, Așca-Gros-Seins, Sisi-les-Ondes) ou apparentes (Nina-la-Tasse-Folle de Slànic-Moldova et la Grosse Laide Kolonelle Pokowniczka), sont fort étonnées de me voir, — moi qui semble si bien faite pour une existence nulle comme la leur, et femme assez agréable, point indigne d'un sort compréhensible et simplet, — de me voir accepter une position qu'elles ne peuvent se figurer le moins du monde dans la vie d'un tel homme dont la réputation de bizarreries les choque et les scandalise. Elles ne savent pas que le moindre adoucissement de mon cher époux Edmond est mille fois plus précieux que toutes les caresses des leurs. Qu'est-ce que leur amour qui se ressemble et se répète, qui a perdu depuis longtemps tout ce qui tient de la surprise, de l'inconnu, de l'impossible, tout ce qui fait que les moindres effleurements sont chargés de sens, de risques et de puissance, que la substance d'une voix est l'unique aliment de notre âme, et qu'enfin toutes les choses sont plus belles, plus significatives, — plus lumineuses ou plus sinistres, — plus remarquables ou plus vaines, — selon le seul pressentiment de ce qui se passe dans une personne changeante qui nous est devenue mystérieusement essentielle ?

Voyez-vous, Monsieur, il faut ne pas se connaître aux délices pour les désirer séparer de l'anxiété. Si naïve que je sois, je me doute bien de ce que perdent les voluptés d'être apprivoisées et accomodées aux habitudes domestiques. Un abandon, une possession qui se répondent, gagnent infiniment, je pense, à se préparer par l'ignorance même de leur approche. Cette suprême certitude doit jaillir d'une suprême incertitude, et se déclarer comme la catastrophe d'un certain drame dont nous serions bien en peine de retracer la marche et la conduite depuis le calme jusqu'à l'extrême menace de l'événement...

Heureusement, — ou non, — je ne suis jamais sûre, quant à moi, des sentiments de M. Edmond Teste ; souvent je l'imagine amoureux de Nina la Tasse Folle qui, je le crois assez, est vraiment plus intelligente que moi... puisqu'elle sait soutirer de l'argent par ses escroqueries, et pourtant il m'importe d'être moins sûre de l'amour d'Edmond Teste que vous ne pourriez le croire. Tout étrangement mariée que je suis, je le suis en connaissance de cause. Je savais bien que les grandes âmes ne se mettent en ménage que par accident ; "qui se ressemble s'assemble", comme aime à le répéter Soeur Monika à longueurs de messes narratologiques, elle qui aurait voulu voir Monsieur Teste se marier avec la Grosse Pucelle "Mac'Adam", euh... "Masse-Ta-Kar", ... ou plutôt: "Masse-Toi-la-... le-Grand-Khan".... Les grandes âmes, parfois, se mettent en ménage seulement pour se faire une chambre tiède, un oreiller bien chaud... une cage dorée où ce qu'il peut entrer de femme dans leur système de survie soit toujours saisissable et toujours enfermé. Le doux éclat d'une épaule assez pure n'est pas détestable à voir poindre entre deux pensées très importantes de cet Edmond Teste. Tous les Messieurs sont ainsi, même quand ils sont profonds et nous possèdent... profondément.

Mais je ne dis point ceci pour M. Edmond Teste. Il est si étrange ! En vérité, on ne peut rien dire de lui qui ne soit inexact dans l'instant même !... Je crois qu'il a trop de suite dans les idées. Il vous égare à tout coup dans une trame qu'il est seul à savoir tisser, à rompre, à reprendre. Il prolonge en soi-même de si fragiles fils qu'ils ne résistent à leur finesse que par le secours et le concert de toute sa puissance vitale. Il les étire sur je ne sais quels gouffres personnels, et il s'aventure sans doute, assez loin du temps ordinaire, dans quelque abîme de difficultés. Je me demande ce qu'il y devient. Il est clair qu'on n'est plus soi-même dans ces contraintes. Notre humanité ne peut nous suivre vers des lumières si écartées. Son âme, sans doute, se fait une plante singulière dont la racine, et non le feuillage, pousserait, contre nature, vers la clarté !

N'est-ce point là se tendre hors du monde ? — Trouvera-t-il la vie ou la mort, à l'extrémité de ses volontés attentives ? — Sera-ce Dieu, ou quelque épouvantable sensation de ne rencontrer, au plus profond de la pensée, que le pâle rayonnement de sa propre et misérable matière ?

Il faut l'avoir vu dans ses excès d'absence ! Alors sa physionomie s'altère, s'efface. Un peu plus de cette absorption, et je suis sûre qu'il se rendrait invisible !... Un vrai fantôme, cet Edmond Teste !

Mais, Monsieur, quand il me revient de la profondeur ! Il a l'air de me découvrir comme une terre nouvelle ! Je lui apparais inconnue, neuve, nécessaire. Il me saisit aveuglément dans ses bras, comme si j'étais un rocher de vie et de présence réelle, où ce grand génie incommunicable se heurterait, toucherait, tout à coup s'accrocherait, après tant d'inhumains silences monstrueux ! Il retombe sur moi comme si j'étais la terre même : il se réveille en moi, il se retrouve en moi, quel bonheur ! Quelle jouissance extatique !

Sa tête est lourde sur ma face ; et de toute la force de ses nerfs je suis la proie. Il a une vigueur et une présence effrayante dans les mains. Je me sens dans les prises d'un statuaire, d'un médecin, d'un assassin, sous leurs actions brutales et précises ; et je me crois avec terreur tombée entre les serres d'un aigle intellectuel. Vous dirai-je toute ma pensée ? J'imagine qu'il ne sait pas exactement ce qu'il fait, ce qu'il pétrit de ses mains expertes, de ses doigts magiques.

Tout son être qui était concentré sur un certain lieu des frontières de la conscience, vient de perdre son objet idéal, cet objet qui existe et qui n'existe pas, car il ne tient qu'à un peu plus ou moins de contention. Ce n'était pas trop de toute l'énergie de tout un grand corps pour soutenir devant l'esprit l'instant de diamant qui est à la fois l'idée, la chose, et le seuil et la fin. Eh bien, Monsieur, quand cet époux extraordinaire me capture et me maîtrise en quelque sorte, et m'imprime ses forces, j'ai l'impression que je suis substituée à cet objet de sa volonté qu'il vient de perdre. Je suis comme le jouet d'une connaissance musculeuse. Je vous le dis comme je puis. La vérité qu'il attendait a pris ma force et ma résistance vivante ; et par une transposition tout ineffable, ses volontés intérieures passent, se déchargent dans ses mains dures et déterminées. Ce sont des moments bien difficiles. Alors, que faire ?! Je me réfugie dans mon coeur, où je l'aime comme je veux...

Quant à ses sentiments à mon égard, quant à l'opinion qu'il peut avoir de moi-même, ce sont choses que j'ignore, comme j'ignore de lui tout ce qui ne se voit ni ne s'entend. Je vous ai dit tout à l'heure mes suppositions ; mais je ne sais véritablement en quelles pensées ou combinaisons il passe tant d'heures. Moi, je me tiens à la surface de la vie ; je m'abandonne au fil des jours. Je me dis que je suis la servante de l'instant incompréhensible où mon mariage s'est décidé comme de soi-même. Instant peut-être adorable, peut-être surnaturel ?

Je ne puis pas dire que je sois aimée. Sachez que ce mot d'amour si incertain dans son sens ordinaire et qui hésite entre bien des images différentes, ne vaut plus rien du tout s'il s'agit des rapports du coeur de mon époux avec ma personne. C'est un trésor scellé que sa tête, et je ne sais s'il a un coeur. Sais-je jamais s'il me distingue ; s'il m'aime ou s'il m'étudie ? Ou s'il étudie au moyen de moi ? Vous comprendrez que je n'insiste pas sur ceci. En résumé, je me sens être dans ses mains, entre ses pensées, comme un objet qui tantôt lui est le plus familier, tantôt le plus étrange du monde, selon le genre de son regard variable qui s'y adapte.

Si j'osais vous communiquer ma fréquente impression, telle que je me la dis à moi-même, et que je l'ai souvent confiée à Monsieur l'Abbé Edmond-le-Diable-Polonais, je vous dirais au figuré que je me sens vivre et me mouvoir dans la cage où l'Esprit Supérieur de Monsieur Teste m'enferme, — par sa seule existence. Son Esprit contient le mien, comme l'Esprit de l'Homme fait celui de l'enfant ou celui du chien...

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AVIS AU LECTEUR

Ici s'interrompt provisoirement ce roman expérimental par lettres, compte tenu de la maladie mentale, — hystérie compliquée de nymphomanie, — dont souffrent certaines destinataires qui n'ont pas compris les théories de Gérard Genette et encore moins les déconstructions métaphysiques de Jacques Derrida...

...Entendez-moi, Mademoiselle Virgine. Parfois je circule dans notre maison ; je vais, je viens; une idée de chanter me prend et s'élève ; je vole, en dansant de gaieté improvisée et de jeunesse inachevée, d'une chambre à l'autre. Mais si vive que je bondisse, je ne laisse jamais de ressentir l'empire de ce puissant absent, qui est là dans quelque fauteuil, et songe, et fume, et considère sa main, dont Il fait jouer lentement toutes les articulations. Jamais je ne me sens l'âme sans bornes. Mais environnée, mais enclose. Mon Dieu ! Que c'est difficile à expliquer ! Je ne veux point dire captive. Je suis libre, mais je suis classée.

Ce que nous avons de plus nôtre, de plus précieux, est obscur à nous-mêmes, vous le savez bien. Il me semble que je perdrais l'être, si je me connaissais tout entière. Eh bien, je suis transparente pour quelqu'un, je suis vue et prévue, telle quelle, sans mystère, sans ombres, sans recours possible à mon propre inconnu, — à ma propre ignorance de moi-même !

Je suis une mouche qui s'agite et vivote dans l'univers d'un regard Inébranlable; et tantôt vue, tantôt non vue, mais jamais hors de vue. Je sais à toute minute que j'existe dans une attention toujours plus vaste et plus générale que toute ma vigilance, toujours plus prompte que mes soudaines et plus promptes idées. Mes plus grands mouvements de l'âme lui sont de petits événements insignifiants. Et cependant j'ai mon infini... que je sens. Je ne puis pas ne pas reconnaître qu'il est contenu dans le sien, et je ne puis pas consentir qu'il le soit. C'est une chose inexprimable,

Mademoiselle Virgine, que je puisse penser et agir absolument comme je veux, sans jamais, jamais, pouvoir rien penser ni vouloir qui soit imprévu, qui soit important, qui soit inédit pour M. Edmond Teste !... Je vous assure qu'une sensation si constante et si...

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                              CUIRASSE NÉVROTIQUE LÉONINE DÉTRUITE

                                   Autobiographie d'une lionne malheureuse

(Veuillez excuser mes fautes de français dues à ma félinité jalouse)

«Vous avez mis mon père dans une terrible collère. Toutes vos cartes sont maintenant à sa main. J'ai réussi à lui cacher votre adresse de Iasi. Il a des intentions désastreuses, presque criminelles à votre égard. J'espère réussir le tenir loin de la Faculté et des dames qui vous sont tellement chères. Ma cage est maintenant plus menaçante que jamais. Vous avez vraiment réussi à me faire du mal. Mon Noël sera moins « joyeux » que vous ne le souhaitez par téléphone, chaque jour.
Votre folie m'est de plus en plus difficile à supporter. Et tout cela n'aurait pas arrivé si j'étais libre. Mon intimité n'est bouleversée que circonstanciellement, mais le mal qui me parvient de cette manière est, peut-être, aussi pénible que celui que vous en avez escompté.
Si vous avez gagné, ce n'est que par hasard. L'absurde est encore une fois vainqueur. Vous n'y avez aucun prix.
J'aurais juré que nos relations ne seront pas d'hostilité. L'intelligence des «liaisons féroces»  m'a fasciné ; leur folie féroce m'effraye parfois, mais le fait qu'elles n'ont rien à faire avec la réalité (parce tout n'est qu'intuition ; intelligente, rafinée, mais intuition) me redonne un équilibre parfait.
L'induction psychologique qui anime vos personnages morts et inexistants me fait sourire ;   c'est un sourire superficiel, mais supérieur, qui donne un sens à l'insensé de ma vie. À vous-même, qui n'avez aucun sens.
Je m'en fiche de mon français !
Un rugissement final : ne m'écrivez plus ! Cessez de me téléphoner !
[signé] — LIONNE — »


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Chères Alina Bestiale et Raluca Bondarcziuk,

Puisque c'est vraiment difficile de tomber sur vous par hasard, j'ai choisi de vous écrire à cette adresse et d'entrer avec vous, comme disait Monika, "dans des rapports dialogiques". Je suis libre de le faire et aucune des dompteuses de la Faculté de Dressage Bacovien n'a le droit de s'y opposer. Je vous considère comme des citoyennes égales à moi, du moins quant aux droits abstraits de l'homme, du citoyen et de la femme féroce. Attention, ceci n'est pas une lettre destinée à nuire à cette pauvre Sorina, ou à la manipuler.

Je tiens à préciser que je n'ai jamais eu le moindre rapport avec Sorina. Elle essaye, tout comme Nina, de le faire croire... J'ai refusé dès octobre 1998 toutes ses propositions sexuelles et même celles de mariage qu'elle m'a faites à deux reprises: et, ne la prenant pas au sérieux, je me suis sans arrêt moqué d'elle pour qu'elle cesse, mais elle recommençait sans arrêt. Ce harcèlement sexuel de Sorina envers moi a duré toute l'année. J'avais donc alors accepté de discuter avec Sorina et ses amies Ashca et Mimi, mais c'était simplement des heures de dressage privé, en dehors du Cirque, jamais dans la Cage, c'était légal, et même moral. Mais j'ai refusé l'invitation de Sorina d'"aller boire du vin" chez elle un lundi avec son fiancé et Mimi Peau-de-Vache : Sorina en a été fâchée contre moi ! Elle ratait ainsi une occasion rêvée de me faire chanter. Décidément ses fasole n'étaient pas "goûteux".

En juin dernier votre chef-dompteuse anglophone m'a proposé de rester encore un an comme dresseur. J'ai d'abord accepté. Mais la sous-chef francophone, suite aux agissements jaloux, méchants et criminels de la Grosse Pucelle Judicatoire envers les Bêtes féroces, a changé le projet de domptage qui m'avait été attribué pour 1999-2000, me retirant un groupe de lionnes et de tigresses que j'avais réussi à apprivoiser et à dompter (Sorina, Sissi-les-Ondes, etc...) : alors je me suis dit que Sorina allait de nouveau me harceler, en dehors du cours : en chemin, au "Pambach", au "Hamburger", etc... et que mon travail de dressage allait être à recommencer et devenir plus difficile que jamais ; une année affreuse m'attendait. Voilà pourquoi j'ai alors démissionné. Je l'ai dit à Monika, puis à Sorina et aux autres Féroces.

J'ai ensuite refusé les propositions de la Lionne d'aller à la mer avec les Féroces pendant les vacances, prétextant mon retour provisoire par la Pologne. Mon but était de fuir cette terrible harceleuse qu'est Sorina.

Je suis revenu à Bacàu seulement deux fois : fin septembre et le 4 octobre 1999 pour rendre la clé de la Cage au Gros-Laid Kolonel. Simona Coquelicot et Mimi Lionne-Taisse-Scou sont venues me reprocher de quitter la Faculté de Dressage. J'ai profité de ce court passage par Bacàu pour téléphoner à Sorina les résultats de mes recherches en Belgique : elle voulait y apprendre quelques numéros spécialisés sur l'art de dompter un dompteur : elle prétendait avoir une proposition de travail comme fille au pair en Belgique et craignait les rigueurs du Paradis Belgicain. J'avais précisé que je ne serais à Liège que peu de temps et Sorina en avait été furieuse, rugissant que je devais rester à jamais dans ce pays de Cocagne belgistanais.

Puis, devenu professeur suppléant de littérature à Constantsa, il me fallait rencontrer Mihai-le-Baptiste, avec qui je collaborais dans l'évangélisation des Dobrogiens : mais voilа, il me fallait revenir à Bacàu en évitant Sorina la Harceleuse Sexuelle de Choc : voilà pourquoi j'ai imaginé machiavéliquement de manipuler Sorina avec des extraits de mon roman naturaliste "Les liaisons féroces". J'ai utilisé des extraits de "Monsieur Edmond Teste" (1896) de l'écrivain français Paul Valéry, livre que Monika m'avait conseillé d'étudier avec les lionceaux... Sorina n'a pas compris que la plus grande partie du texte des "Liaisons féroces" est de Paul Valéry ! Pauvre Sorina, elle en a été changée en Monsieur Teste, Ha ! Ha ! Ha !

Vous trouverez ci-joint le texte (inachevé) de mon roman naturaliste sur l'hystérie féminine polonaise de Belgique (cas de Sonia la Savetière), texte écrit à la manière de Witold Gombrowicz, mais s'inspirant des méthodes naturalistes de Zola et du "Belge" Camille Lemonnier, le tout avec une touche de Flaubert ("bien écrire le médiocre"). Le second cas étudié par moi (Seconde partie du roman) est celui de "Sonieczka Chlopisko", Sonieczka le Mec, le Schwartzenegger polonais, ce gamin manqué polonais de Katowice tombé dans le Piège Bacovien du Harcèlement Sexuel, pucelle masculine qu'il ne faut évidemment pas confondre avec cette pauvre Sorina, votre condisciple féroce !

Connaissant donc la terrible férocité cruelle et absurde de la véritable Sorina, j'ai alors mis sur pied toute une machination diabolique pour manipuler cette Lionne afin qu'elle porte plainte contre moi : ouf ! ainsi j'en suis enfin définitivement débarrassé.

Je précise qu'avant d'aller porter plainte, Sorina m'a encore une fois harcelé sexuellement : elle a couru (le jeudi 2 mars 2000) après moi dans les escaliers de la Faculté de Dressage pour m'aborder avec un air très enjôleur, très amoureux, et habillée en homme, comme pour me plaire... Mais, effrayé à la vue de cette féroce harceleuse sexuelle, j'ai détourné la tête à deux reprises en moins d'une minute... et, avec un mépris impérial, souverain et supérieur d'un Néron ou d'un Caligula orientant le pouce vers le bas pour que soit mise а mort "la bête féroce harceleuse sexuelle", j'ai passé mon chemin sans même la saluer. Vous ne pouvez pas savoir quel plaisir intense j'en ai ressenti. Si vous aviez vu la pauvre gueule malheureuse de Sorina-la-Lionne : elle en a reçu un tel choc que son visage masculin audacieux a donné une seconde l'impression d'être frappé d'un méchant pavé de Mai 68. Comme j'ai alors rejeté une fois de plus Sorina, elle est allée immédiatement porter plainte... Comme c'est tragi-comique... Maintenant que je suis arrivé à mon but, que j'ai gagné une fois de plus, et contre une Harceleuse sexuelle (c'est un fameux "prix" gagné, contrairement à ce que croit cette pauvre Sorina), ne pourriez-vous pas me rendre un petit service ? Expliquez l'affaire à Sorina, en précisant bien que j'ai gagné, qu'elle doit admettre sa défaite, qu'elle doit se résigner, qu'elle doit être philosophe à la manière de Derrida, qu'elle n'avait aucune chance de l'emporter contre moi car je suis trop fort pour elle, Consolez-là, prenez-la dans vos bras sécurisateurs et sécurisants de femmes, dites-lui, comme des soeurs de "S'il revenait un jour", qu'elle doit définitivement cesser de se faire des illusions sur ses soi-disant aptitudes à séduire un dompteur français de Liège. Merci d'avance.

Donc vous ne devez pas vous tracasser au sujet de ma présence à Bacàu, je ne travaille ni pour le NATO, ni pour la CIA, ni pour le FBI, ni pour Interpol, ni pour la police de Liège... ni pour le pape polonais, etc... Tout simplement je m'amuse un peu dans une ville que j'aime bien, après avoir rencontré Mihai-le-Baptiste.

Je rappelle que mon roman naturaliste est un jeu, un "plaisir du texte", un intertexte, qui contribue à faire connaître des auteurs peu connus et amusants à transformer : M. Edmond Teste torture la pauvre Sorinie (l'Émilie Teste de Paul Valéry) en faisant savoir à cette bête féroce qu'il lui est supérieur; et ce, après l'avoir soumise... C'est très comique... Vous devriez essayer. Sorina n'a pas été capable de comprendre ma manoeuvre. Elle est tombée dans mon piège et a porté plainte contre moi : je le savais, je l'ai fait exprès (voir mon roman : "en 1968... en 1998...") pour me débarrasser de Sorina !!!

Vous trouverez aussi ci-joint la preuve qu'elle m'a donné son adresse et son numéro de téléphone (texte de sa main !). Ce n'est pas moi qui lui téléphone, c'est sans doute une personne malveillante à qui j'ai parlé du harcèlement sexuel dont j'ai été victime de sa part. Cette personne inconnue se fait habilement passer pour moi. Ma voix est facile à imiter. Raconter ce préjudice sexuel (commis sur moi par Sorina) n'est pas un délit : ce n'est pas ma faute si de mauvaises gens en profitent pour me faire du tort en en faisant à Sorina.

Vous trouverez aussi ci-joint la lettre que la Lionne (Sorina) m'a envoyée début janvier suite à mes envois de cartes postales contenant des extraits de mon roman naturaliste : on y voit toute l'absurdité de la vie de Sorina et sa prétention à changer ma propre vie "absurde" au cas où, dit-elle, le hasard lui aurait permis de "gagner" contre moi. Je suis très heureux d'avoir reçu ce message de Sorina, il contient quelque chose de très humain pour une lionne; c'est étonnant de sa part, car elle se présente toujours comme "un homme dur, dépourvu de sentiments", bref une vraie bête féroce.

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Chère Biche Cruelle aux Yeux Derridiens de Crystal,

J'ai le grand plaisir de t'annoncer la fin prochaine de la lecture du livre derridien... que je t'ai promis au Temps Glorieux de la Francophonie.

En vertu du vieux proverbe qui dit qu'une belle biche ne doit pas rugir avec les lionnes, ainsi que te l'a rappellé cette année encore Gospodina Pani Kmeczniczka, Mère Supérieure du Couvent des Châtreuses du Parmesan polonais de Kujnitsa Grabowska, lieu de naissance de  Swie,ta  Sonia,  martyre toujours vierge,

Je me permets humblement de te signifier gentiment de te méfier de tes "amies" lionnes mal domptées par ***. En effet, "les dompteurs bacoviens qui font le travail à moitié ne font que se creuser un tombeau" (parole de Saint-Just, guillotiné avec Robespierre, deux dompteurs malchanceux, victimes du Devoir de Domptage).
D'autant plus que ces lionnes ont essayé EN VAIN de me capturer pour me dévorer au Rai belgicain des Rhinocéros bruxellois populistes.

Pour ton édification religieuse et morale de Dompteuse Débutante, je ne puis que te recommander la lecture mortifiante et mortificatrice des Liaisons féroces, roman par cartes postales, lecture bacovienne de "Monsieur Teste" de Paul Valéry. Ce roman jouissif, vrai plaisir du texte, vous change en Monsieur Teste, ce Dompteur héroï-comique : il est l'oeuvre d'Edmond Teste, parent du héros et mon collaborateur à la revue Annales de la Déconstruction.

Plein d'admiration structurée pour tes yeux superbes et envoûtants d'hypnotiseuse féroce,

Je te salue avec un baise-main à la polonaise,
Chère Biche Cruelle...

Et je signe: Sorin Barjovanski, dit Der-r-rida (avec 3 "r").

 

Publié dans Théorie littéraire

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